Politique

Le mythe démocratique

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La démocratie mérite-t-elle de survivre ? Sulfureuse et interdite, la question, posée par Christopher Lasch, vaut pourtant d’être posée. Fallacieusement réduite à l’introduction d’un bout de papier dans un isoloir tous les cinq ans, l’idée semble de plus en plus saugrenue. D’emblée, notons que la démocratie fait l’objet d’un terrible consensus ; le spectre du totalitarisme d’avant-guerre planerait toujours. Dès lors, celle-ci ne rencontre que très peu d’opposition. Dans le camp socialiste, la critique acerbe de la démocratie bourgeoise, et du côté de la tradition, la contestation virulente de la loi du nombre ont littéralement disparu. Erigée en dogme, elle fait l’objet d’un véritable fétichisme institutionnel conjugué à une idolâtrie républicaine¹ qui peut laisser pantois. Devenue une quasi-religion et un véritable impérialisme, sa théologie et son modèle sont largement exportés par l’ingérence et la violence pour assurer la domination du Marché.

Il convient de rappeler que ladite démocratie ne constitue pas un but, une fin en soi. Elle est un moyen pour la plèbe de garantir la maîtrise de son destin commun. Se gouverner seul, sans intermédiaire. En d’autres termes, assurer un véritable libre-arbitre collectif tendant à limiter l’arbitraire dans la vie de la Cité. Elle constitue un instrument de liberté permettant l’émancipation d’un peuple. Plusieurs constats doivent être dressés. Primo, il n’a jamais été véritablement expérimenté une authentique démocratie². Secundo, le concept de démocratie n’a plus vraiment de signification et semble avoir été vidé de sa substance. Tout le monde s’en réclame ; personne ne sait ce que cela recouvre. Serait-ce devenu un mythe moderne ?

Profondément pessimiste, notre civilisation libérale manque indubitablement de créativité et d’optimisme. Peut-on envisager le dépassement du « pire des régimes à l’exception de tous les autres» ou ad minima de dresser un bilan critique de celui-ci³ ?

 

Formalisme démocratique et Marché mondial – Après la chute du mur de Berlin et la dégénérescence de l’Union Soviétique, le néoconservateur américain Francis Fukuyama prévoyait la fin de l’histoire avec l’avènement universel de la démocratie libérale – comprise comme le parlementarisme consubstantiellement lié à l’économie de marché et au respect des libertés individuelles – prétendument indépassable. Cette vision linéaire et ethnocentrique se révèle totalitaire. La démocratie est trop souvent définie de manière purement formelle et théorique. A l’exception du folklore des soirées électorales, qu’est-ce ? Elle est un véritable cache-sexe de l’absolutisme du Grand Capital et du fétichisme de la marchandise. La démocratie est devenue une idéologie qui peut être définie comme « la liberté dictatoriale du marché tempérée par les droits de l’homme-spectateur¹» . Notre régime est une oligarchie capitaliste ; tout le reste n’est que cosmétique.

Démocratie et Représentation – Le passage de l’Ancien Régime à la République s’opère par la prise de pouvoir de la bourgeoisie capitaliste sur la monarchie et l’aristocratie héréditaire. Les pères fondateurs de la République avaient au moins le mérite de la transparence. Ils étaient des agoraphobes conséquents ; ils ne désiraient pas un régime démocratique ; bien au contraire. Pour cela, il a été pensé, à dessein, le parlementarisme – invention anglo-saxonne – ou gouvernement représentatif². C’est le même modèle qui a été retenu après les trois révolutions occidentales : anglaise, américaine et française. Premier écueil, la confusion entre régime démocratique et régime représentatif³. Ce glissement sémantique aboutit à un salmigondis politique. La démocratie représentative – qui constitue un oxymore – peut être comprise comme la confiscation du pouvoir au peuple par une aristocratie élue au suffrage universel direct. C’est une idéologie de classe permettant de légitimer une oligarchie capitaliste en gouvernant sans le peuple mais en son nom. L’élection – comme réduction du peuple à sa forme purement statistique et arithmétique – permet-elle d’assurer efficacement le pouvoir et l’influence des citoyens ?

Impuissance politique et Suffrage universel direct – En régime démocratique, le peuple est la source de tout pouvoir démocratique. Toutefois, quand 1% de la population détient 70% des richesses, peut-on décemment affirmer que « la démocratie c’est le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple » ? Permettant de se parer d’une légitimité démocratique, la simple désignation par l’élection au suffrage universel direct ne semble pas garantir que les élus soient au service de l’intérêt général ou tout simplement qu’ils respectent leurs engagements de campagnes publicitaires. Les promesses n’engageant « que ceux qui les écoutent », l’absence de mécanisme de sanction, de contrôle et de contre-pouvoir – à l’exception du verdict des urnes – ne constitue pas un garde-fou suffisant. En d’autres termes, la plèbe ne dispose d’aucune arme pour lutter efficacement contre les abus de pouvoir de ses représentants. Ils sont de fait dans une posture de passivité voire d’infantilisation politique …

Participation et Contre-pouvoir – L’exercice du pouvoir est une nécessité pour gouverner. Seulement, si ceux qui l’exercent ne rencontrent pas de limite ou d’obstacle, ils ont une tendance naturelle à en abuser. Habités par une véritable pulsion de domination et de subordination, ils doivent être, en permanence, domestiqués et encadrés. Véritable péché originel des différents régimes représentatifs, la rédaction de la Constitution qui fixe l’organisation des pouvoirs par ceux qui sont amenés à l’exercer est inepte. Cette constante a pour résultat la neutralisation du peuple dans la vie politique. Il est évident que la simple séparation des pouvoirs n’est pas suffisante. Il serait de salubrité publique que les citoyens aient la possibilité de faire irruption dans le processus législatif afin de limiter tout abus de pouvoir. « Jamais on ne corrompt le peuple mais souvent on le trompe¹ » . Le même constat ne peut être dressé pour notre caste politique où les conflits d’intérêt sont légion. La corruption n’est pas endémique aux dictatures. Loin s’en faut. Elle est simplement moins visible dans nos démocraties de marché. Il apparaît donc complexe de faire l’économie de la participation ou de la consultation directe du peuple. De plus, la participation à la vie de la Cité a des vertus publiques non négligeables. Responsabiliser le citoyen et lui permettre de s’exprimer et de s’intéresser aux problématiques collectives est fondamental. La désignation par tirage au sort des représentants est avancée pour assurer l’exercice permanent de la démocratie et la rotation des mandats. Ad minima, l’introduction du référendum d’initiative populaire permettant la consultation régulière des citoyens assurerait ainsi un meilleur respect de la volonté générale sans parasitage de corps intermédiaires illégitimes².

Parti politique et Verrouillage – La critique du parlementarisme a comme corollaire la critique des partis politiques. Une analyse honnête et sérieuse de ces structures aboutit à la conclusion – devenue interdite – tirée par Simone Weil³ : leur suppression. L’intelligentsia répondra en objectant qu’une démocratie sans partis politiques s’appelle le fascisme. Réponse hâtive et peu convaincante. Rappelons que les partis politiques étaient inutiles et surtout interdits à Athènes. Mais qu’est-ce qu’un parti politique somme toute ? Une machine électorale fermée qui verrouille le débat ainsi que le choix des candidats – véritables professionnels de la politique – et ayant pour seul et unique objectif de gagner des élections. Du reste, il s’agit du règne impitoyable des apparatchiks, des jeux d’appareil et des négociations feutrées. Dans une époque obnubilée par la transparence, la contradiction s’impose avec force. Le parti politique a comme unique fin sa propre croissance et sa propre puissance largement dépendantes de la collaboration des puissances d’argent. Dans une démocratie d’opinion où le seul impératif politique pour un candidat est d’accéder aux cimes des sondages – influençant largement l’opinion publique – pour être élu ou réélu, il convient d’interroger ce modèle qui s’effondre sous ses contradictions devenues flagrantes.

Liberté et Souveraineté populaire – La liberté, collective et individuelle, ne commence qu’avec la souveraineté¹. C’est un préalable nécessaire. Cela signifie que le peuple a, en principe, le droit de discuter et de délibérer collectivement de tout, tout le temps. Cependant, il est à noter que la quasi-majorité des attributs de notre souveraineté a été transférée à des institutions supranationales. Nos représentants ne disposent, en vérité, que de très peu de liberté et de marge de manœuvre. Le principe même de souveraineté populaire semble rencontrer d’importantes limites dans un contexte de globalisation économique, financière et bancaire. Il apparaît opportun de souligner le dépassement du Politique et de l’Etat pour entrer dans un espace exclusivement économique et juridique où l’intérêt général est inféodé à la rentabilité maximale du Capital et aux desiderata des puissances économiques.

Intégration et Supranationalité – A cette représentation nationale qui ne peut être que difficilement bousculée est venu s’ajouter un niveau supplémentaire : l’Union Européenne. Véritable incarnation de la « dictature bureaucratique » et discret cheval de Troie au service des lobbies et des puissances financières, l’Union Européenne est ontologiquement despotique. Elle a accouché d’un grand marché économique où les seules règles à respecter, inscrites dans le marbre des traités, sont la libre concurrence et la libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux. Cela constitue le cœur de ce monstre despotique. Il est important de souligner que l’unique institution élue au suffrage universel direct est le Parlement européen. Réduit à une chambre d’enregistrement votant dans plus de 95% des cas les directives et règlements européens proposés par la commission européenne, il ne respecte même pas les règles élémentaires du parlementarisme classique. Contrairement aux députés français, les parlementaires européens ne disposent ni de l’initiative législative – ils ne peuvent proposer aucune directive – ni de la fixation de l’ordre du jour – obliger l’assemblée à débattre d’un thème choisi. Soulignons que 90% des lois qui sont adoptées en France ne sont que des transpositions des objectifs fixés par la commission européenne qui dispose d’un quasi-monopole législatif. Le rôle du peuple est inexistant. L’obscurité qui règne dans ces lieux de pouvoir est totale. L’illustration la plus éloquente concerne les négociations actuelles du marché transatlantique qui menace sérieusement le peu de liberté dont nous disposons encore.

De la Démocratie à la Gouvernance – Après examen attentif, notre système politique est une oligarchie ploutocratique ; soit la suite logique des dérives du gouvernement représentatif. La crise de la représentation est une analyse largement partagée. La séparation a été consommée entre les plébéiens et une élite déconsidérée et atteinte de cécité. Cette rupture et cet isolement sonnent le glas de nos institutions. Notre système semble glisser vers un despotisme éclairé assumé – post-démocratique² – communément appelé Gouvernance. Gouverner sans le peuple voire contre lui tout en sauvegardant l’illusion démocratique assurée par la participation de la société civile. Soit encore des intermédiaires.

Marché souverain et Tyrannie – Le fait du Prince est soumis au caprice du Marché. Celui-ci est devenu démiurgique. Soit comme l’a très bien montré Jean Baudrillard : « Le coup de force du capital, c’est d’avoir tout inféodé à l’économie » y compris le politique. La démocratie libérale ne s’entend même plus comme la dictature de la majorité mais comme celle du marché avec l’autonomisation³ de l’économie du reste de la société et l’avènement d’un marché autorégulé¹ libéré de tout contrôle démocratique et exonéré de toute responsabilité. La loi ne se définit plus comme l’expression de la volonté générale mais comme la tentative désespérée de rassurer les « marchés financiers ». Pouvoir considéré, à tort, comme invisible et non identifié dispensé de rendre des comptes et qui a réussi à abolir le Politique. Il est légion chez les commentateurs du Spectacle de constater la dépolitisation massive et grandissante du corps électoral alors que c’est le Politique qui a été dépolitisé, déléguant le pouvoir à des experts, technocrates stipendiés et autres think tanks.

Science de légitimation et Antidémocratisme – Prétendument scientifique, toute une série de disciplines est considérée – à tort – comme des sciences dures à l’instar de la physique ou des mathématiques. Cette acception a pour conséquence de réduire à néant toute forme de débat. Atteint d’un complexe d’infériorité manifeste vis-à-vis du scientifique stricto sensu, l’économiste soutient avec une mauvaise foi incommensurable que son domaine de recherche est une science dure. Faite d’équations, de théorèmes et de lois universelles, il apparaît délicat de discuter du bien fondé de ses propositions. Il convient de rappeler que l’économie est une science sociale comme bien d’autres. L’économie, c’est de la politique, de l’idéologie. Pourtant, il n’y a plus à discuter ; les domaines sont trop complexes pour le citoyen ; les experts doivent décider seuls. Cela s’appelle la technocratie.

Homo democraticus versus homo economicus Penser la démocratie à travers le prisme institutionnel est nécessaire mais largement lacunaire. Il existe d’autres dimensions à examiner. Quelques éléments de bon sens. La démocratie ne peut s’exercer que dans un cadre territorialement limité. A cela vient s’ajouter la nécessaire conscience des citoyens d’appartenir à une communauté politique transcendant les individus. Ces derniers doivent manifester la volonté d’envisager un destin commun et de vivre ensemble. Il importe peu que cette communauté soit dénommée état, pays, nation² ou république. Une démocratie locale participative contribuerait activement à la reconstruction d’un lien social dégradé et de solidarités humaines abîmées. Rompre avec l’égoïsme et l’individualisme systémiques produits par notre civilisation capitaliste est impérieux. Des consommateurs aliénés, nomades, défendant égoïstement leur intérêt particulier et errant au sein d’un Marché mondial unifié semblent incompatibles avec les exigences démocratiques. Avant d’aspirer à une ambitieuse rupture globale de notre modèle dominant, ne devrions-nous pas, au préalable, accomplir une révolution individuelle ?

Par Raf Ou Pas, Le Verbe Populaire

1- Notons que le concept de démocratie – dans la communication politico-médiatique – se voit progressivement substitué à celui de République et de son corpus de valeur composé du triptyque classique. Qu’est-ce que la République ? Rappelons que c’est sous la République française qu’a eu lieu le massacre des communards pendant la semaine sanglante en 1871, les différentes conquêtes coloniales, les boucheries des deux guerres mondiales ainsi que le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Il est important de souligner que ni les droits de l’Homme, ni l’Etat de droit – corollaires de la république démocratique – n’ont pu assurer un garde-fou nécessaire. Serait-ce un modèle largement perfectible ? Soulignons que la notion d’«état de droit» confond légitimité et légalité. Cela s’appelle le positivisme juridique. La légalité repose uniquement sur le respect de règles et de procédures juridiques formelles faisant abstraction de toute valeur ou d’éthique. C’est le règne froid du droit formel et procédural et en dernière instance des rapports de force.
2- L’exemple paroxystique est celui de la démocratie athénienne. Il est convenu – chez les oligarques – d’objecter que les femmes, les métèques et les esclaves n’avaient pas le droit de vote, jetant ainsi l’opprobre sur la totalité de cette expérience historique sans précédent et plus particulièrement sur la centralité du tirage au sort comme mode de désignation. Cet argument est manifestement anachronique. Se déroulant au Vème siècle avant J-C, cet épisode hérite du contexte de l’Antiquité. Précisons qu’en France, l’esclavage a été aboli en 1848, que les femmes ont disposé du droit de vote en 1944. De plus, les étrangers ne disposent pas du droit de vote considéré comme un attribut de la citoyenneté. Doit-on pour autant condamner par principe le modèle dans sa totalité ? De nos jours, les modèles atypiques suisse et vénézuélien devraient inspirer l’essaim d’oligarques qui pullulent dans nos sociétés de consommation.
3- Il convient de distinguer deux problématiques distinctes. La théorisation et l’expérimentation d’un modèle démocratique authentique, et la procédure (les rapports de force) qui permettent d’y parvenir. Les deux questions sont infiniment complexes et font l’objet de nombreuses querelles. Il apparaît difficile de proposer un quelconque mode d’emploi. Il convient d’avoir la lucidité et l’humilité nécessaires pour aborder cette question quasi-métaphysique. Celle-ci ne doit pas être envisagée hors-sol mais s’enraciner dans un contexte historique et culturel particulier. Le fantasme d’un modèle unique universellement transposable doit être balayé. De plus, il n’est pas superficiel de mener une réflexion sur l’efficacité des modèles, considérée à tort comme vulgaires. Penser à travers des concepts abstraits déconnectés de l’expérience et de la pratique peut être stimulant intellectuellement mais inopérant.
1-G. Debord, Préface de Commentaires sur la société du spectacle, 1988
2- « Dans la démocratie, les citoyens font eux-mêmes les lois, et nomment directement leurs officiers publics. Dans notre plan, les citoyens font, plus ou moins immédiatement, le choix de leurs députés à l’Assemblée législative ; la législation cesse donc d’être démocratique, et devient représentative », Sieyès, Quelques Idées de constitution, applicables à la ville de Paris en juillet 1789, Versailles, 1789 ; ou encore : « Le concours immédiat est ce qui caractérise la véritable démocratie. Le concours médiat désigne le gouvernement représentatif. La différence entre ces deux systèmes politiques est énorme » in Dire sur la question du veto royal, Versailles, 7 septembre 1789 ; « La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée; elle consiste essentiellement dans la volonté générale et la volonté générale ne se représente point.», Rousseau, Du contrat social livre III, chapitre 15 ; « La démocratie advient quand les pauvres sont vainqueurs de leurs adversaires, qu’ils en tuent une partie et en exilent l’autre et qu’ils partagent à égalité entre le reste de la population l’administration et les charges, et les magistratures y sont le plus souvent attribuées par des tirages au sort », Platon, République, VIII. ; « Un pays bien organisé est celui où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui et le gouverne », Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, Tome II, 1756.
3-   B. Manin, Principes du gouvernement représentatif, 2008
1- J-J Rousseau, Du Contrat Social ou Principes du droit politique, 1762
2- En France, depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 impulsée par Nicolas Sarkozy, il existe un référendum d’initiative partagée à l’initiative des parlementaires mais en aucun cas un référendum d’initiative populaire. C’est l’article 11 de la Constitution du 4 octobre 1958. Cette réforme constitue un véritable bras d’honneur à la nécessaire démocratisation de nos institutions devenues oligarchiques. Démocratisation qui n’a été envisagée que comme l’extension du droit de vote à l’ensemble de la population. Deux pays utilisent le référendum d’initiative populaire à l’échelle nationale. La Suisse, qui a une longue tradition participative et qui permet – à partir de 100 000 signatures citoyennes – d’organiser un référendum. Le Venezuela l’a introduit en 1999 sous la présidence d’Hugo Chavez. Ce dernier est décliné autour de trois axes complémentaires : le référendum abrogatoire qui permet d’abroger une loi, le référendum législatif qui permet la votation d’une nouvelle loi et enfin le plus dangereux pour nos maîtres, le référendum révocatoire qui permet au peuple de destituer purement et simplement le président. Il est possible d’envisager la combinaison entre élection et tirage au sort ainsi qu’une limitation stricte des mandats politiques. Bien heureusement, les institutions de la Vème République ne permettent pas ce genre de folie démagogique et populiste qui pourrait mettre en péril la République, remettre en question la construction européenne, sortir de l’Euro, pratiquer un protectionnisme économique intelligent et retrouver le pouvoir de création monétaire. Enfer et damnation. Par chance, nos représentants veillent au grain.
3- S. Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques, 1940
1- La souveraineté politique a été pensée comme souveraineté populaire par J-J Rousseau ; elle appartient au peuple et ne peut être déléguée, et, comme souveraineté nationale par John Locke et Montesquieu. Cette dernière appartient à la nation, entité collective abstraite nécessitant des représentants. Il convient de distinguer les deux souverainetés et d’identifier la source du pouvoir démocratique. La nation à travers ses nécessaires représentants ou le peuple ? La réponse est lourde de conséquences sur l’organisation et le fonctionnement du pouvoir
2- Il convient de rappeler que la très discrète Commission Trilatérale avait été fondée en 1973 à l’initiative de diverses personnalités – comme David Rockefeller ou Zbigniew Brzezinski – afin de « trouver une solution aux problèmes auxquels étaient confrontées les démocraties occidentales ». On lira – avec attention et circonspection – le rapport sur la gouvernabilité des démocraties intitulé The crisis of democracy. Grosso modo, le rapport insiste sur le caractère ingouvernable des vieilles démocraties européennes et la nécessité d’assurer une meilleure anticipation de ces débordements démocratiques intempestifs. Cité in Vivre et penser comme des porcs de Gilles Châtelet.
3-  « Autonomie » en grec signifie se donner ses propres lois. Les acteurs financiers sont devenus quasiment intouchables à l’exception de quelques boucs émissaires condamnés pour sauvegarder la pérennité du système. Ils disposent d’une impunité difficilement compréhensible au regard des préjudices qu’ils causent et de leurs activités prédatrices. Ils sont dans le pire des cas condamnés à s’acquitter de contraventions d’un montant dérisoire quand on connaît le budget de ces monstres bancaires. A titre d’exemple, le budget de Goldmansachs est de 700 milliards de dollars soit deux fois plus que celui de la France. L’argent ne fait pas le bonheur mais elle constitue l’essentiel du pouvoir quand la politique n’est faite que de spectacle. Le capitalisme financier est certes un système, une idéologie mais derrière il existe des hommes et des femmes. L’illustration la plus éloquente est celle du chief executive officer Lloyd Blankfein qui déclare extatique : « Je fais le travail de Dieu ». A quand le jugement dernier ?
1- K. Polanyi, La grande transformation, 1944
2- La délicate question de l’Etat-nation, dans un contexte de globalisation accrue, apparaît éminemment clivante. Il convient d’envisager la question d’un point de vue pratique. Peut-on faire l’économie de l’Etat-nation tout en prétendant assurer le respect de la souveraineté populaire et protéger le peuple des assauts répétés du Grand Capital ? Encore faut-il réussir à le distinguer d’un nationalisme belliqueux et guerrier, souvent instrumentalisé par l’oligarchie pour augmenter la rentabilité du Capital…

 

11 réflexions sur “Le mythe démocratique

  1. Excellent article, malheureusement le commun des mortels n’a même pas gravi la première marche de cette réflexion puisque l’idée selon laquelle la démocratie = le vote est sérieusement incrustée dans les esprits.

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